Quel bonheur ! Témoignage de Christophe Audouard

Oui quel bonheur!! Et par où commencer tellement la vie est belle quand on est greffé. Même si tous les jours ne sont pas forcément roses, il n’en reste pas moins que la vie est belle et que l’on est heureux de pouvoir la vivre à 200% par rapport à l’époque de la dialyse. 

Je me dis «par où commencer» car il s’est passé tellement de choses…

 

Commençons par le début, ce sera plus simple. J’ai 32 ans, pleine force de l’âge, 15h de sport par semaine, je viens de finir un contrat dans un laboratoire après des études en chimie, je suis docteur en chimie organique fine, je m’éclate à haut niveau en basket, mes jambes et mes poumons me portent très haut en termes de sport et de capacités physiques, je viens de me marier. Bref, hormis un travail, tout va pour le mieux dans ma vie.

Et là, en 2006, une 1ère alerte avec une visite médicale qui montre du sang dans mes urines. Plusieurs examens qui ne donnent rien. Tout le monde passe au travers de ma pathologie. Peu importe maintenant le pourquoi du comment. La maladie évolue, 2007 montre quelques problèmes inhabituels. Après un WE sportif, tout dérape. Céphalées, nausées, etc. Prise de sang et là, la nouvelle tombe : maladie de Berger en stade avancé.

Ensuite, cela n’a pas traîné, tout s’est enchaîné super vite. Hospitalisation, pose d’un cathéter, préparation à la dialyse. On y est ! On arrive dans le vif du sujet ! Débuts compliqués… problème d’expérience probablement ou par manque de temps peut être aussi… Au bout d’une semaine de dialyse péritonéale, nous sommes aux Baléares… Des vacances différentes par rapport à d’habitude mais des vacances quand même et c’est bien ça le plus important. Cela nous a donné confiance pour repartir !

La dialyse péritonéale est un incroyable outil mais qui a ses limites. Au bout de 2 ans, les programmes nocturnes étaient de plus en plus longs, le dosage des poches de plus en plus concentré pour que cela fonctionne correctement, mais on sentait que l’on touchait à la fin de la méthode. Nouveau changement, nouveaux problèmes... Là encore probablement dus à la précipitation… On se prépare à l’hémodialyse. Les 1er essais ne sont pas fameux, la douleur est là omniprésente aux 1ères séances. Un bon mois de galère et ensuite ça tourne bien. Nous sommes à fin 2010. 

Les séances d’hémodialyse s’enchainent, les mois passent. Arrive alors le mercredi 26 Juillet 2011. Je ne le sais pas encore mais on se trouve pile la veille de ma 2nde naissance. 22H30, je suis chez moi, appel d’un numéro inconnu. D’habitude je ne réponds pas aux appels inconnus, je suis tellement embêté par des appels commerciaux à longueur de temps, que j’avais pris l’habitude de ne pas répondre. Mais là, à 22h30, un appel commercial est moins probable. Avec incertitude, je prends l’appel. Dès les 1eres secondes, je comprends. C’est l’appel à la greffe!

Je n’ai jamais ressenti pareille émotion. Une émotion multiple… De la joie, de l’incertitude, de la colère (probablement à cause de toutes ces séances de dialyse subies sans personne à qui en vouloir) toutes ces périodes de doute et de fragilité, et puis vint l‘excitation d’y être, d’affronter LE moment. 

La greffe s’est super bien passée. J’ai failli sortir de l’hôpital au bout de 7 jours, finalement la sortie se fera à J+10. Bien sûr, tous les moments post-greffe ne sont pas géniaux, il y en a que l’on voudrait presque oublier. Il y en a d’autres dont on se souvient avec sourire. 

S’en suit la période de transition, la période où il faut réapprendre à vivre autrement, différemment, mais tout en se préservant et en laissant le temps au greffon de prendre sa place dans notre corps et que tout cela «matche» bien ensemble. Je me suis laissé un an, un an où j’ai fait extrêmement attention à ma nourriture, mon hygiène de vie, mon rythme de vie. 

Après la 1ère année, je me suis remis à faire du sport, à profiter de nouveau de la vie d’une manière générale. Revivre normalement, même si après tant d’épreuves, il est difficile de savoir ce qu’est «vivre normalement». Mais, la vie classique reprend son cours, tout doucement mais sûrement. 

En ces quelques mots et paragraphes, j’ai voulu retracer mon histoire, qui doit être probablement très similaire à d’autres. Ce que je n’ai pas dit dans ce texte, ce sont toutes les autres choses qui me sont arrivées durant ces même années de dialyse et de greffe: je me suis marié, j’ai eu un enfant, j’ai créé une société puis je l’ai fait grandir en passant de «tout seul» à 45 salariés, j’ai voyagé à travers une vingtaine de pays, j’ai pu commencer à vivre ma passion pleinement (les voitures), j’ai restauré une maison de 200m².

Tout ça pour dire quoi ?

Juste pour dire qu’il ne faut pas vivre la maladie, la dialyse et la greffe comme des contraintes. Il ne faut pas «subir» ces différentes étapes. Il n’y a rien de tel pour se morfondre et tomber dans un pessimisme général et une sorte de dépression sans fin. Alors c’est vrai, nous ne vivons pas forcément que des bons moments parfois... Mais en est-il autrement pour la vie de Mr Tout le monde ? Non c’est identique en fait ! La seule différence c’est qu’une fois dans le processus, on connait les étapes qui nous attendent alors que Mr Tout Le Monde non ! Tout le monde subit dans sa vie des étapes tristes, douloureuses ou accidentelles en terme de santé. Il en est de même pour nous, sauf que nous avons la chance d’avoir un suivi bien particulier. Il faut juste «accepter» notre destin de greffé-dialysé ! Prendre les étapes une à une, avoir le moral pour que chacune d’entre elle ne soit pas insurmontable et surtout que tout se résolve au plus vite. Je sais bien contrairement à ce que dit l’adage que le moral ne fait pas tout, mais il y contribue pour sûr ! Je reste persuadé qu’avec un bon moral, nous guérissons plus vite, que les douleurs sont moins fortes et que le physique ne s’en porte que mieux.

Je suis de nature optimiste et peu inquiet. J’ai toujours voulu profiter de la vie. Cette envie s’est décuplée quand je suis tombé malade. Je ne voulais pas être la victime de ma maladie, je voulais la combattre et lui montrer que je serai plus fort qu’elle. Bien évidemment, je suis bien conscient que dans certaines conditions, même un moral d’acier ne suffit pas à guérir certaines maladies. Je dis juste que le moral aide à passer les étapes et à mieux vivre tout ce qui nous arrive. Cela permet de moins souffrir, de guérir plus vite et ainsi mieux profiter de la vie. Pour preuve, je n’ai jamais autant profité de la vie que depuis que je suis malade. Même si certaines vacances ont été entachées de moments compliqués, il n’en reste pas moins que j’étais heureux d’être en vacances, et je mesurais la chance que la médecine me donnait de vivre pleinement les choses. Je n’ai jamais autant voyagé que depuis l’annonce de ma maladie. 

En bref, ce qui nous arrive n’est pas une fatalité. C’est comme ça, il faut le prendre tel que cela arrive, sans se demander «pourquoi nous ?», sans se morfondre chaque jour en disant que ce «n’est pas juste» ! Profitez de la vie, la greffe nous donne une nouvelle chance de vivre pleinement la vie, NOTRE vie ! Combien de personnes ont cette chance-là ? J’ai toujours tendance à dire que ma date d’anniversaire n’est pas celle originelle mais bien celle de ma greffe. Cela a changé ma vie dans tous les sens du terme, en mieux!

Très adepte d’un film de la fin des années 80, avec cette petite litote que j’affectionnais tant étant jeune, elle n’a jamais été aussi vraie : Carpe Diem!

Christophe Audouard
Un greffé heureux et fier de l’être (greffé…)

N°57, Christophe Audouard