Prédire l’issue du coma pour mieux accepter la décision de prélèvement d’organes

Le prélèvement d’organes sur donneurs décédés après arrêt circulatoire de la catégorie III de Maastricht (M3) est autorisé en France depuis 2014. Il concerne les patients pris en charge en réanimation pour lesquels une décision d’arrêt des thérapeutiques actives (ATA) est prise en raison d’un pronostic neurologique défavorable.

En 2019, sur 393 donneurs M3 recensés en réanimation en France, 177 ont finalement été prélevés, conséquence d’un taux d’opposition de 35,9% en hausse par rapport à 2018[1] et d’un certain nombre de contre-indications médicales et d’échec de procédures. Question complexe et essentielle pour les familles et les équipes médicales, la décision d’arrêt des thérapeutiques est la clé de voûte de cette procédure. Si cette décision est finalement prise, une seconde équipe médicale dédiée, indépendante de l’équipe de réanimation, s’entretient alors avec la famille en vue de proposer le prélèvement d'organes. La mise en œuvre de l'ensemble de cette procédure nécessite une adhésion totale des familles et des équipes soignantes et doit donc être supportée par des marqueurs pronostiques fiables et robustes permettant des décisions adaptées d’arrêt des thérapeutiques actives.

Les équipes hospitalo-universitaires emmenées par les professeurs Louis Puybasset, Lionel Velly et Damien Galanaud, (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital de la Timone, Marseille), ont publié plusieurs études sur la prédiction d’issues neurologiques pour les patients dans le coma de différentes origines. Pour les patients dans le coma post arrêt cardiaque, la publication de Velly et collaborateurs dans le Lancet Neurology[2] parue en février 2018 a permis de montrer le caractère pronostique d’un nouveau marqueur IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique), la WWMFA, permettant d’évaluer l’intégrité des fibres de matière blanche cérébrales des patients entre les jours 7 et 28 après arrêt cardiaque, c’est-à-dire au moment où la question de la poursuite de la réanimation se pose. Ce marqueur, qui permet de prédire avec une précision inégalée l’évolution de ces patients à long-terme, est une information complémentaire importante dans l’évaluation pronostique en réanimation.

La matière blanche : les câbles du cerveau 

La matière blanche cérébrale est constituée des axones myélinisés des neurones, dont le corps constitue la matière grise, permettant de les connecter entre eux.  Cette micro-architecture complexe est le substrat anatomique de tous les échanges d’informations sous forme d’influx nerveux électriques sans lesquels le fonctionnement cérébral est impossible. En particulier, l’émergence d’une activité consciente est la conséquence d’une conversation entre les différents cortex cérébraux spécialisés rendu possible par ce réseau complexe de fibres de matière blanche.

De la recherche aux patients : des marqueurs du cerveau performants 

L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) de diffusion émerge comme un outil d’imagerie cérébrale quantitative prometteur en usage clinique. Le modèle du tenseur (Diffusion Tensor Image, DTI) et plus particulièrement le calcul de la fraction d’anisotropie (FA), permet une quantification in-vivo de lésions de la matière blanche pour des zones clés du cerveau. La normalisation de ces marqueurs, grâce à la technologie aujourd’hui intégrée dans la solution brainQuant, dispositif médical digital, a permis aux équipes médicales impliquées dans les études cliniques de proposer des scores pronostiques validés cliniquement pour aider à la prise de décision face à des patients dans le coma, et chez qui les décisions de poursuite ou d’arrêt des thérapeutiques posaient question[3],[4].

Des témoignages de patients, familles de patients et réanimateurs sont rassemblés dans un reportage tourné en 2019 notamment dans le service du Professeur Louis Puybasset à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. La vidéo Une vie en suspens est disponible ici.

L’intérêt pour accompagner le prélèvement d’organes

En France, le don d’organe est strictement encadré par l’Agence de la Biomédecine. Celle-ci établit les recommandations, pratiques et autorisations pour les conditions de prélèvement et les choix de dons à réaliser[5]. Le protocole Maastricht 3 s’inscrit dans les possibilités de prélèvement telles que présentées sur le site de l'Agence de la Biomédecine, ici.  Ce protocole inclut la phase de décision d’arrêt des thérapeutiques actives pour lesquelles « L’établissement du pronostic d’une pathologie donnée doit bénéficier de l’évolution des techniques, particulièrement dans le domaine de l’imagerie (IRM...). Ces examens devront être disponibles et réalisés avant toute décision d’Arrêt des Thérapeutiques Actives [ATA] qui le requerrait »

Pouvoir accompagner les familles dans les choix difficiles et complexes en situation de stress émotionnel est essentiel. Les équipes médicales avec qui le dialogue est primordial doivent pouvoir recommander, soutenir et aider les décisions douloureuses face à la perte d’un être cher.

Pour que les conditions d’'acceptation du prélèvement soient optimales, il est nécessaire que les décisions des thérapeutiques en réanimation soient comprises et bien acceptées par les familles. Cette décision sereine permet également aux familles d’envisager le prélèvement comme une opportunité de sauver une ou des autres vies. Cette sérénité ne peut être acquise que si les examens pronostiques sont robustes, fiables, validés et partageables avec les proches. Toutes ces conditions sont réunies par la plateforme brainTale care et les marqueurs brainQuant. 

Louis Puybasset, Vincent Perlbarg, Julie Rachline 

 

[1] NC, "Le prélèvement d’organes en vue de greffe", Agence de la Biomédecine (2019), mis à jour le NC, disponible sur https://rams.agence-biomedecine.fr/le-prelevement-dorganes-en-vue-de-greffe, consulté le 28/04/21

[2] Velly et al. “Use of Brain Diffusion Tensor Imaging for the Prediction of Long Term Neurological Outcomes in Patients after Cardiac Arrest: a Multicentre, International, Prospective, Observational, Cohort Study” Lancet Neurol (2018), vol. 17: pp. 317–26

[3] Galanaud et al. “Assessment of white matter injury and outcome in severe brain trauma: a prospective multicenter cohort” Anesthesiology (2012), 117(6):1300-10.

[4] Van der Eerden et al.  “White matter changes in comatose survivors of anoxic ischemic encephalopathy and traumatic brain injury: comparative diffusion-tensor imaging study” Radiology (2014), 270(2):506-16

[5] NC, " Protocole des conditions à respecter pour réaliser des prélèvements d’organes après arrêt circulatoire suite à un arrêt des traitements", Agence de la Biomédecine (2021), Mis à jour le 05/03/21, disponible sur https://www.agence-biomedecine.fr/Protocole-des-conditions-a-respecter-pour-realiser-des-prelevements-d-organes, consulté le 28/04/21

N°57, Braintale, prélèvement d’organes sur donneurs décédés