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Plan de relance du prélèvement d’organes et de tissus en Ile de France

Par le Dr Régis Bronchard ; médecin adjoint au Directeur ; responsable du service régional Ile de France – Antilles – Guyane ; Direction Prélèvements greffes Organes Tissus ; Agence de la Biomédecine

Introduction

Les taux de prélèvement d’organes sur donneur décédé en Ile de France se sont progressivement écartés de la moyenne nationale depuis le début des années 2000 et la région Ile de France est désormais une des régions avec le plus faible taux de prélèvement. Le taux d’opposition au prélèvement d’organes particulièrement élevé en Ile de France, explique en partie ce taux de prélèvement bas. Ce dernier s’est progressivement écarté des valeurs nationales, pour atteindre une valeur de 46.3% en 2019 (vs. 33,7% en moyenne en France). Il continue malheureusement de croitre depuis plusieurs années. 

Dans les 20 dernières années, l’organisation régionale du prélèvement d’organes et de tissus (Coordinations Hospitalières de Prélèvements d’Organes et de Tissus ou CHPOT, réseaux de prélèvements, réseaux opérationnels de proximité) a très peu évolué, alors que la région Ile de France a enregistré des évolutions démographiques (déplacement et densification des populations en périphérie), médicales (comorbidités cardiovasculaires notamment plus marquées en périphérie qu’à Paris mais aussi baisse de la mortalité par accident vasculaire cérébral par rapport à la moyenne nationale) et socio-économiques accompagnées d’une évolution des organisations sanitaires (GHT, regroupements AP-HP, filières de soins, etc.). 

Cette situation génère un impact sur l’accès à la greffe pour les patients résidents et les activités des équipes de transplantation d’Ile de France (qui concerne également de très nombreux patients non franciliens), en particulier concernant la greffe rénale.

Etat des lieux

Il était tout d’abord important de dresser un état des lieux du prélèvement et de la greffe en Ile de France mais aussi du maillage sanitaire, des évolutions démographiques et socio-économiques, des soins critiques (etc.) pour pouvoir dégager des axes de travail.

Concernant le prélèvement d’organes et de tissus, la région compte en 2022 vingt-six équipes de Coordinations Hospitalières de Prélèvements (CHPOT) dont 7 ne concernent que le prélèvement de tissus. Ces équipes comportent environ 120 professionnels de santé avec tout ou partie de leur temps dédié à cette activité pour un total d’environ 60 équivalents temps plein. Il est notable que 38% de ces professionnels exercent dans un établissement parisien intra-muros et donc qu’il y a une moindre densité de professionnels dédiés au prélèvement dans les départements de la petite et de la grande couronne francilienne. Il n’y a que 8 centres autorisés au prélèvement sur donneur décédé en arrêt circulatoire (DDAC) de type Maastricht 3 (après arrêt des thérapeutiques actives) et 2 centres poursuivant le prélèvement sur donneur décédé en arrêt circulatoire de type Maastricht 2. En 2021, l’activité de recensement de donneur décédé en mort encéphalique a représenté 17,1% de l’activité française et le prélèvement 13,5%. Concernant le prélèvement sur DDAC M3, ces chiffres sont de 11,4% et 10,6%.

Concernant la greffe, la région regroupe 25 équipes dont 6 équipes pédiatriques mais concentre en 2022 près de 28% de l’activité de greffe nationale (en particulier 40% de l’activité nationale de greffe cardiaque et 45% de l’activité de greffe pulmonaire).

Concernant l’analyse de la région Ile de France, parmi les éléments ayant éclairé notre travail, il est à remarquer que cette région regroupe 18,2% de la population française avec une densité de population évolutive (en baisse à Paris et en augmentation dans certains départements). La moyenne d’âge est plus basse que la moyenne nationale et la mortalité est également globalement plus basse que la moyenne nationale, notamment la mortalité par accident vasculaire cérébral.

Méthodologie de travail

Nous travaillons donc, dans ce contexte, depuis 2020, à l’initiative de la Direction Générale de l’Agence de la Biomédecine, à un plan de relance de l’activité de prélèvement et de greffe en Ile de France. Ce plan est décliné selon quatre axes principaux:

1) Adapter les réseaux de prélèvements à l’évolution de l’offre hospitalière.

2) Formaliser des filières de prise en charge des patients cérébrolésés hors ressource thérapeutique.

3) Développer les prélèvements sur donneurs décédés en arrêt cardiaque de type Maastricht 3 dans les centres franciliens autorisés aux prélèvements de donneurs en état de mort encéphalique.

4) Infléchir le taux d’opposition régional au don d’organes et de tissus.

Un axe 5 est en projet pour 2022 et portera sur le don vivant.

Le travail autour de ce plan est accompagné et piloté par la Direction du Prélèvement et de la Greffe d’Organes et de Tissus (DPGOT), notamment son Directeur, le Pr Kerbaul et son adjoint en Ile de France le Dr Bronchard mais aussi son ancien Directeur, le Pr Bastien. Il constitue un projet continu et partagé de l’ensemble du service régional Ile de France-Antilles-Guyane et est une feuille de route pour son équipe constituée de trois médecins, trois cadres infirmiers animateurs de réseaux et cinq assistantes des activités médicales. Au sein de l’Agence de la Biomédecine, il concerne et implique non seulement la DPGOT et ses pôles, mais aussi la Direction Générale et de nombreux pôles transversaux de l’Agence de la Biomédecine (REIN, Financement des activités de santé, pôle Formation des professionnels, Qualité des données, pôle sécurité qualité, communication, etc.). Enfin, au-delà de l’Agence de la Biomédecine, il implique et associe les équipes de prélèvement d’organes et de tissus (CHPOT), de greffe, l’Agence Régionale de Santé, la Direction de l’APHP et ses centres hospitaliers mais aussi les groupements hospitaliers de territoires en Ile de France.

Bilan des actions en cours

Voici quelques illustrations du travail en cours selon les axes de ce plan régional.

  • L’axe 1 porte donc sur l’adaptation des réseaux de prélèvements à l’évolution de l’offre hospitalière et à l’évolution démographique en Ile de France. 

Il a entre autres constitué à mettre en place des projets départementaux sur des sites d’intérêt et de hauts potentiels, dans des zones à densité faible de personnel de CHPOT, dans des zones à fort taux d’opposition, etc. Ces projets permettent, notamment via la création de centres autorisés au prélèvement de tissus, d’insuffler une culture locale de prélèvement mais aussi de densifier les personnels dédiés dans des départements ciblés, afin notamment de travailler à la promotion et à la sensibilisation au don d’organes et de tissus auprès des professionnels mais aussi du bassin de population de ces centres. Parmi ces projets, plusieurs ont déjà abouti avec dans le département 77, l’ouverture au CH de Melun d’une coordination hospitalière de prélèvement des tissus en chambre mortuaire fin 2021. Ce projet a été porté par les professionnels locaux avec un fort soutien institutionnel et un appui financier de l’ARS ainsi qu’un appui du centre hospitalier sud francilien et a permis, en pleine crise sanitaire, d’ouvrir une activité de prélèvement de tissus avec des résultats remarquables. Citons également l’ouverture dans le 94, au CH de Villeneuve saint Georges, d’une coordination hospitalière de prélèvement des tissus en chambre mortuaire début 2022 sur le même modèle. Citons enfin dans le 93 le projet du GHT Grand Paris Nord Est (Montfermeil-Aulnay-Montreuil) de création d’autorisation tissus en chambre mortuaire sur Aulnay et Montreuil. 

 A chaque fois, ces créations débordent largement le prélèvement de tissus en insufflant une culture du don chez les professionnels mais aussi via des projets départementaux portés par les équipes des coordinations hospitalières.

  • L’axe 2 porte sur les filières de prise en charge des patients cérébrolésés hors ressource thérapeutique propres à l’Ile de France:

En effet, le maillage sanitaire de chaque région est particulier, notamment en Ile de France avec la haute densité de soins critiques et de grands centres hospitaliers.

Le travail sur cet axe a d’abord porté sur la filière pré hospitalière avec l’identification de référents de chaque SAMU départemental ainsi qu’à la BSPP (Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris). Différentes actions de formation ont été réalisées, notamment dans les départements 77, 91 et 78. Divers travaux sont en cours, à l’échelle départementale (filiarisation des cérébrolésés hors ressource thérapeutique avec potentiel don d’organe, alerte en régulation pré-hospitalière, etc.)

Ensuite, il y a un travail en cours avec les grandes gardes de Neurochirurgie et les professionnels locaux (potentiel, adressage, etc.)

Il y a également un travail en cours avec l’ARS sur les unités neuro vasculaires (enquête effectuée puis projets à venir avec les CHPOT, formation, etc.)

Enfin, une étude faisant l’objet d’une thèse est en cours sur les services d’accueil des urgences et le potentiel de donneurs à l’échelle d’un département (77).

  • L’axe 3 consiste à développer les prélèvements sur DDAC de type Maastricht 3 dans les centres franciliens:

Après une étude de potentiel et un ciblage et grâce à l’implication des CHPOT, de nombreux projets ont abouti ou sont en cours. 

En effet, la Fondation Rothschild, avec un partenariat original de circulation régionale normothermique (CRN) mobile avec l’équipe de Saint Louis – Lariboisière est devenue le 8ème centre autorisé au prélèvement sur DDAC M3 en Ile de France. Parmi les projets à venir, 2022 devrait voir l’autorisation du CHU Beaujon, du CH de Pontoise et du CH de Montreuil grâce à un projet départemental de CRN mobile porté par leur partenaire, le CH de saint Denis. Citons également les engagements du CHU Henri Mondor et de l’hôpital européen Georges Pompidou qui étaient attendus mais aussi ceux du grand hôpital de l’est francilien, du CH de Poissy et de nombreux autres projets à l’étude.

  • L’axe 4 porte sur le taux d’opposition régional au don d’organes et de tissus.

C’est un axe majeur mais complexe car possiblement et probablement lié en partie à des causes socio-économiques caractérisant la région Ile de France. Il est donc primordial d’avoir des éléments permettant d’analyser ces causes pour engager des actions visant à limiter cette hausse régulière du taux d’opposition.

Plusieurs études effectuées par les CHPOT et les réseaux ont été réalisées (étude Canevas, dans le réseau Nord, étude des grilles d’entretien avec les proches dans le réseau ouest francilien, etc.) et sont en cours d’analyse. L’agence de la biomédecine est de plus en cours de réalisation d’une étude nationale sur les déterminants de l’opposition et une analyse régionale spécifique sera entreprise. Enfin, la direction de la communication de l’Agence de la Biomédecine réalise des enquêtes (baromètre, évaluation des campagnes, etc.) dont les résultats permettront d’éclairer cet axe de travail.

Plusieurs actions sont déjà entreprises dont un volet formation, des CHPOT mais aussi des futurs professionnels d’anesthésie réanimation et de médecine intensive réanimation d’Ile de France avec une convention en cours de signature qui va permettre l’enseignement annuel de tous les professionnels de réanimation formés en Ile de France. Un même type de projet sera développé avec les internes de médecine d’urgence et éventuellement de Neurologie et de Pédiatrie.

Une journée monothématique portant sur le taux d’opposition en Ile de France est en cours d’organisation par le service régional Ile de France de l’Agence de la Biomédecine et les professionnels des CHPOT. Elle projette de réunir des professionnels d’horizons divers, associations, public pour analyser, réfléchir et éclairer ce sujet et aura lieu début 2023.

Différentes actions sont d’ores et déjà menées par les CHPOT dans leur bassin de population, dans les collèges d’Ile de France, et densifier ces équipes dans les départements de grande et petite couronne y contribuera.

Enfin, un cinquième axe est en projet et portera sur le don vivant avec une analyse, pour chaque équipe d’Ile de France, de l’enquête nationale « donneurs vivants » coordonnée par l’Agence de la Biomédecine. Les résultats de cette enquête permettront l’accompagnent de chaque équipe par les binômes du service régional pour dégager des actions d’amélioration du don vivant de rein un Ile de France.

Perspectives et conclusions

Voilà donc un aperçu du plan régional Ile de France pour la relance du prélèvement et de la greffe. Ce plan s’inscrit parfaitement dans la volonté de déclinaison régionale, en lien avec les ARS, des actions de l’Agence de la Biomédecine et particulièrement de la DPGOT et de ses services régionaux dans le cadre du nouveau plan greffe 2022-2026.

Annexes :

Prélèvement d’organes en donneurs décédés en mort encéphalique prélevés / million d’habitants en 2021 (source = Agence de la Biomédecine) :

 R.Bronchard1

R.Bronchard2

 

Prélèvement d’organes en donneurs décédés en mort encéphalique prélevés / million d’habitants depuis 25 ans (source = Agence de la Biomédecine) :

R.Bronchard3 

 

Taux d’opposition au prélèvement d’organes chez les donneurs décédés en mort encéphalique en 2021(source = Agence de la Biomédecine):

 R.Bronchard4

R.Bronchard5

 

Taux d’opposition au prélèvement d’organes chez les donneurs décédés en mort encéphalique depuis 25 ans (source = Agence de la Biomédecine):

R.Bronchard6

 

Centres autorisées au prélèvement en Ile de France (source = Agence de la Biomédecine):

R.Bronchard7

N°59, Agence de biomédecine