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L’illectronisme : un vrai défi de santé publique

Le texte ci-dessous est un dossier qui a été initialement publié sur le site Innovasso.fr en mai 2022. Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’article ici.

Dans un contexte où la e-santé se développe chaque jour davantage, 14 millions de Français connaissent toujours des difficultés dans l’utilisation des outils numériques, voire même pour avoir accès à Internet. Nouvel espace d’exclusion, le numérique est à l’origine d’un phénomène baptisé « illectronisme ». Une situation aux conséquences non négligeables lorsqu’il s’agit de santé et d’efficacité des parcours de soins.

Aujourd’hui, ce sont 14 millions de personnes qui n’ont pas ou peu accès au numérique, selon un rapport du Sénat de 2020. Et ce pour plusieurs raisons : manque de connaissance du fonctionnement de l’outil informatique, absence de connexion Internet propre ou de supports numériques à domicile et enfin la fracture numérique touchant le territoire de résidence.

« Dans une société qui vit à l’heure du digital, ne pas savoir ou pouvoir utiliser les outils numériques est un véritable handicap au quotidien. En santé, cela crée de véritables inégalités à l’heure de la téléconsultation et du suivi sanitaire via les données de santé collectés par les outils connectés », présente Eléonore Bleuzen, rapporteuse de l’étude « Agir contre l’illectronisme en Pays de la Loire » menée par le Conseil économique social environnemental (CESE) (1)

La récente actualité sanitaire n’a assurément pas arrangé la situation. Ce phénomène a été qualifié d’illectronisme, contraction d’illettrisme et d’électronique et va fondamentalement à l’encontre de la jouissance de droits légitimes (droit à travailler, à se soigner, à se divertir, à s’informer…). 

Quelles conséquences ?

S’il est dangereux d’essayer d’établir un portrait-robot type du non-internaute, de grandes tendances se dégagent sur fond de facteurs sociaux, territoriaux et générationnels. 

Ainsi, plus de la moitié résident dans des zones dites rurales et des communes de moins de 20 000 habitants. Des territoires déjà touchés de plein fouet par la désertification médicale où la coordination des parcours de soins s’avère complexe, qui plus est sans Internet. La moitié des exclus du numérique aurait plus de 65 ans. Enfin, un tiers est peu ou non diplômé. Dernière donnée rapportée par une récente étude de l’Insee : un habitant sur 5 est démuni face à l’usage d’internet.  

L’illectronisme constitue un obstacle majeur au développement du numérique en santé, de la téléconsultation médicale, de l’exploitation des données de santé.

Quelles solutions ?

Le constat posé, il convient d’envisager les solutions qui permettraient de lutter contre le phénomène et corriger une situation profondément inégalitaire en matière de qualité de soins. Pour établir solidement le principe d’inclusion numérique, à l’image des engagements pris pour favoriser l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap, 250 millions d’euros ont été dédiés à l’inclusion numérique dans le cadre du plan de relance. Une somme attribuée en partie aux acteurs qui fournissent des solutions d’accompagnement au numérique. 

On citera, à titre d’exemple, la start-up d’État simplon.co qui, en lien avec la plateforme « aidants connects » propose des formations aux travailleurs sociaux. Ces travailleurs sociaux interviennent auprès des publics éloignés du numérique dans la réalisation de leurs démarches administratives. Une fois formés, les travailleurs sociaux sont également à même de proposer des ateliers d’initiation au numérique aux millions de personnes qui en auraient besoin. Pour assurer la démocratisation du numérique sanitaire, l’État mise aussi sur la formation : celle des professionnels ou bénévoles aidants, mais aussi celle de l’ensemble des citoyens. Il en va du déploiement d’un système de santé basé sur la possibilité donnée à chacun de jouir des apports des dispositifs médicaux numériques.

L’illectronisme : un enjeu de santé publique

En complément de cette politique de formation plurielle, améliorer l’accès au numérique passe aussi par des procédures d’accompagnement plus adaptées et des moyens supplémentaires. Parmi les actions initiées : des bus itinérants de télémédecine, la mise à disposition de smartphones, ordinateurs et tablettes dans les établissements de santé et cabinets médicaux etc. 


« L’enjeu n’est pas que d’utiliser un ordinateur, mais de participer à la vie de la Cité et de jouir de ses droits. Préparer les personnes aux mutations qu’engendre le numérique, tant dans leur vie personnelle de citoyens, que dans leur parcours de soins et leur vie professionnelle, constitue un enjeu majeur », explique Eléonore Bleuzen. 

Désormais, au regard de la place prise par le numérique en santé, la lutte contre l’illectronisme s’avère un réel enjeu de société !

Quelle est la position des associations de patients ?

S’il est indéniable que le numérique en santé peut favoriser une optimisation de la prise en soins des patients, quelques freins subsistent. France Asso Santé met en avant quelques pistes pour les solutionner. 

Le numérique en santé est devenu incontournable, parce qu’il permet aux usagers de mieux prendre leur parcours santé en main et aux professionnels, de mieux coordonner leur action dans le cadre du parcours de soins. France Asso Santé rappelle d’ailleurs dans un communiqué que : « l’adhésion aux outils numériques par les usagers est un enjeu crucial ». 

Renforcer l’information et l’accompagnement de tous les citoyens

Sur la base d’une étude commandée à l’institut CSA , l’association met en avant le potentiel énorme que représente le numérique en santé, mais aussi les fragilités restant à combler. 

« Les outils existants sont sous-utilisés, en grande partie par manque de visibilité et d’information. Pour émanciper l’usager de la santé et le rendre acteur de ces services, une meilleure communication sur ses droits concernant ses données est indispensable, en toute transparence. La généralisation de Mon Espace Santé est un levier fondamental pour encourager et inciter les Français à s’approprier les services numériques et les ancrer dans les habitudes quotidiennes du parcours de soins. Un progrès qui devra impérativement aller avec un accompagnement renforcé des populations éloignées du numérique pour des raisons géographiques ou démographiques, afin de ne laisser personne au bord du chemin », peut-on lire dans ce communiqué. 

Accompagnement, le mot est lancé. Ce dernier s’avère indispensable pour ne pas oublier les laissés pour compte du numérique. 


L’accès aux soins de plus en plus dépendant du numérique
 

Dans un rapport de l’Institut Montaigne en date d’avril 2019, Alain Michel Ceretti*, ex-président de France Asso Santé, déclarait que « notre système de soins repose sur un pilier fondamental inscrit dans la Constitution de 1946 : le droit à la protection de la santé. Quant au principe d’un égal accès aux soins, il a été mis en œuvre dans de nombreuses lois et réaffirmé dans le cadre du plan Ma santé 2022.  Dans les faits pourtant, ce postulat demeure aujourd’hui encore bien fragile. En effet, cet égal accès à des soins de qualité pour tous exige, pour être effectivement assuré, une information rigoureuse, transparente et surtout accessible à l’ensemble des citoyens. Or, force est de reconnaître que sur cette question, il reste encore des progrès à faire ». 

La crise sanitaire a mis en lumière les faiblesses

On évoque souvent la crise épidémique de la Covid-19 comme LE révélateur des failles du numérique en santé et de la mise en lumière de l’illectronisme... Le SESAN (Service de Santé numérique) a récemment publié un retour d’expérience sur l’utilisation des outils numériques lors de la 1ère vague de l’épidémie de covid-19.  Reste à mieux anticiper pour l’avenir !

Solidarité numérique pour lutter contre l’illectronisme

Pour certains, réaliser des démarches du quotidien en ligne (obligations administratives, travailler, faire ses courses, communiquer avec ses proches...) s’apparente à un véritable parcours du combattant. Ce dernier est certes moins périlleux et moins anxiogène depuis le printemps 2020 et le lancement de la plateforme solidarite-numerique.fr
Avec ce site, la coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique (la MedNum), le secrétariat d'État chargé du numérique a souhaité accompagner les personnes éloignées d’Internet dans l’accomplissement des « tâches numériques » du quotidien. Une manière de les familiariser avec l’outil digital, voire de démystifier ce dernier qui peut leur sembler, a priori, inaccessible.

Accessible gratuitement, la plateforme solidarite-numerique.fr – pilotée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et financée par France Relance - s’adresse en premier lieu aux seniors, aux personnes peu diplômées et aux ménages aux revenus modestes. Autrement dit, les populations « les plus fragiles » et particulièrement touchées par l’illectronisme. Si plus de 230 ressources (tutoriels, liens vers des chaînes YouTube, sites Internet…) sont proposées, la plateforme se veut avant tout pratico-pratique au travers de rubriques thématisées : s’initier à Internet et aux outils informatiques, réaliser ses démarches administratives en ligne (actualiser sa situation sur Pôle emploi, déclarer ses ressources à la CAF ou simuler ses droits aux aides, se repérer sur le site des impôts, créer un compte FranceConnect…) ou encore travailler depuis chez soi (utiliser Google Agenda et Google Drive, communiquer par visioconférence…). Enfin, on y découvre des clés pour consulter un médecin à distance ou faire ses courses (sites utiles de drive, de vente directe à la ferme…). Et pour celles et ceux qui n’auraient pas d’ordinateur ou d’accès à Internet, un accompagnement téléphonique est également possible. 


Un centre d’appel - 01 70 772 372 - joignable du lundi au vendredi de 9h à 18h permet d’obtenir des conseils auprès d'un des 700 médiateurs numériques bénévoles.

À ce jour, plus de 30 000 personnes ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé.

Les chiffres

  • 17 % de la population française ne dispose pas des connaissances ou des équipements adéquats pour utiliser les outils numériques.
    Insee, Insee, Première n° 1780, octobre 2019
  • 250 millions d’euros dédiés à l’inclusion numérique dans le cadre du plan de relance

1) https://ceser.paysdelaloire.fr/liste-etudes/agir-contre-lillectronisme-en-pays-de-la-loire/

N°60, Illectronisme, Innovasso.fr