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J'ai compris

Bouger manger, et si on s’y mettait ?

Observance thérapeutique, pratique d’une activité physique adaptée, alimentation équilibrée sont les trois conditions nécessaires pour retrouver et conserver une qualité de vie après la greffe. Alors docteur comment on fait ?
On en comprend les bienfaits

S’il y a un sujet sur lequel les médecins s’accordent aujourd’hui, c’est celui des bienfaits de l’activité physique. « Les patients craignent que l’activité physique génère de la fatigue », explique le Pr Martine Duclos (service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles au CHU de Clermont-Ferrand). « C’est tout le contraire. Il faut lever ces peurs car 30 minutes par jour, soit 5 à 6 000 pas, et non 10 000 comme on l’entend souvent, suffisent à augmenter la vascularisation, réduire les facteurs de risques cardiovasculaires, améliorer les fonctions rénales, retrouver un bon sommeil, lutter contre le surpoids et le stress ». Les personnes sédentaires ont naturellement une masse musculaire plus faible et sont vite essoufflées dans les actions de la vie quotidienne. « Il faut rompre ce cercle vicieux, ajoute le Pr Duclos. Et ce d’autant que les résultats sont visibles rapidement favorisant le sentiment d’efficacité personnelle et l’estime de soi. On sait également que la capacité d’endurance et la force musculaire sont des déterminants essentiels d’une bonne santé ».

Le sport pour retrouver une vie normale

« Si les traitements, et ils sont indispensables, permettent de patienter jusqu’à la greffe ou de tolérer un greffon, ils ne transforment pas la condition physique du malade », explique le Pr François Carré, cardiologue au CHU de Rennes. « Si vous avez été transplanté(e) et que vous ne marchez pas, cela ne sert à rien », ajoute-t-il sans emphase. « La transplantation n’est qu’une étape. Elle donne le pouvoir de « rebouger » pour favoriser le retour à une vie normale mais si le patient n’en saisit pas l’opportunité, son organisme risque de nouveau de se fatiguer. » Il faut donc anticiper la greffe, se réhabituer progressivement au mouvement, et pratiquer une activité physique régulière sans oublier que « plus on reste assis ou allongé, moins le corps bouge quand il en a la possibilité », complète le Pr Carré. « Il faut donc limiter les stations assises et veiller à se lever toutes les heures pour effectuer quelques pas. C’est vraiment la base ». Par ailleurs, « un patient avec une bonne condition physique sera plus facile à endormir pour un anesthésiste et récupérera plus facilement d’une intervention, on oublie souvent de le dire. Alors autant se préparer au mieux ».

On commence le plus tôt possible

30 minutes d’activité physique modérée par jour représentent 5 à 6 000 pas. Elles peuvent être fractionnées. C’est-à-dire réalisées en 3 fois 10 minutes, 6 fois 5 minutes, l’essentiel est de diminuer les temps assis. Ranger sa vaisselle, se lever pour aller chercher un livre, marcher pour se rendre au bureau, promener le chien ou jardiner, tout est bon. Progressivement, il est intéressant de compléter cette activité modérée par un renforcement musculaire, de l’ensemble du corps, deux à trois fois par semaine, et des séances d’assouplissements. « Les élastiques, peu coûteux, permettent d’amplifier le travail », ajoute Martine Duclos. Si nombre d’exercices peuvent être réalisés à domicile, le professeur conseille de sortir. « C’est bon pour le moral et stimule le système hormonal. » Elle recommande également de pratiquer à plusieurs avec des amis ou une association sportive. « Le groupe a un aspect socialisant. Le malade chronique vit souvent seul avec sa maladie, et il faut reconnaître que c’est difficile d’être régulier lorsqu’on est isolé. » Le groupe a cet atout indéniable de stimuler, encourager, rendre la pratique plus ludique et diversifiée. Il existe également des enseignants spécialisés Staps ou Apa en mesure d’établir des programmes personnalisés pour une reprise et une pratique adaptée. Il est possible de se renseigner auprès des maisons sport santé, des associations de patients…

Les objets connectés, vraie ou fausse bonne idée ?

Les deux, mon général. « Les mesures fournies donnent un excellent indicateur du niveau de départ »explique le Pr Duclos. Elles permettent de savoir précisément où on en est, de suivre ses constantes, se fixer des seuils, des objectifs réalistes (aujourd’hui je fais 3 500 pas, la semaine prochaine 5 000). « Mais toutes les études montrent qu’au bout de 2 ou 3 mois, une fois l’excitation de la nouveauté passée, les objets connectés sont abandonnés. Du coup nous avons tendance à ne pas trop insister sur ce type d’achat, alors qu’un simple smartphone suffit le plus souvent pour obtenir ces données. »

Le sport sur ordonnance, une étape vers le succès

À l’occasion de la journée mondiale de la santé, le 3 avril dernier, la Fédération leader du Sport-Santé (FFEPGV) a mis en lumière la montée progressive du dispositif « Sport sur Ordonnance » auprès des médecins et de leurs patients. 

Dans la 12ème édition du Baromètre Sport Santé, réalisé avec Ipsos, la Fédération constate que de plus en plus de Français (40%) se voient prescrire ou conseiller une activité physique par leur médecin. Une tendance qui ne cesse de progresser. Et si la recommandation d’une activité physique chez les médecins gagne peu à peu du terrain, ces derniers semblent aussi davantage la prescrire par ordonnance. Les sédentaires (47%) et les jeunes (35% ont moins de 35 ans) seraient aussi les plus concernés par la prescription d’une activité physique. A noter, seules 17% de femmes se sont vues prescrire par ordonnance la pratique régulière d’une activité sportive.

Pour le Pr Martine Duclos, ce dispositif a beaucoup d’avantages. « Le fait que le médecin prescrive l’activité physique, écrive sur un papier qu’il est important de faire du sport et explique les bénéfices, augmente de 50% les chances de réussite ». On voit aussi dans ce cas que le médecin s’emploie à suivre le patient, ce qui permet d’inscrire la démarche dans le long terme. En revanche, il reste encore un problème évident de financement de ces dispositifs.

Les femmes et les ados d’abord 

L’approche de l’activité physique ne peut s’appréhender de la même manière selon les publics. Les femmes ont parfois des difficultés à exposer un corps modifié par des chirurgies ou des traitements. 

« D’une manière générale, les femmes font moins de sport que les hommes », explique le Pr Carré. Mais la tendance s’inverse dès lors que la maladie s’invite dans l’équation. « Pour lutter contre la récidive des cancers, les femmes sont plus combatives et régulières. Sensibilisées, elles ont intégré que le sport devait faire partie intégrante de leurs traitements, que ce n’était pas une option de confort ».

On voit aussi émerger des changements de posture. « Les femmes revendiquent et assument mieux leurs rondeurs » ajoute le Pr Duclos. Du coup, les clubs de sport se remplissent de nouvelles praticiennes. Quant aux ados, certains veulent se sculpter un corps parfait, ressembler à leurs amis, d’autres se positionnent contre l’institution médicale, cherchent à transgresser. « A nous de les aider à trouver l’argument moteur pour faire du sport leur réalité et leur plaisir », commente le Pr Carré. « Cela ne marche qu’en communiquant avec eux ».

 


« J’ai eu la chance de bénéficier d’un protocole de RAAC (Récupération Améliorée Après Chirurgie). De plus en plus de CHU mettent en place ce dispositif. Il permet au patient de mieux se préparer à des échéances opératoires, puis de récupérer plus rapidement. Pour moi, la transplantation peut être appréhendée comme une épreuve sportive : l'opération est l'objectif principal avec une phase de préparation, de récupération puis d'entretien pour « garder la forme » afin de mieux affronter sa nouvelle vie de greffé, qui est loin d'être un long fleuve tranquille. 

L'activité physique dans la maladie chronique est essentielle. Pour moi, c'est une thérapie complémentaire. Le sport m'a permis de supporter 4 ans de dialyse, de m'approprier mon corps après ma greffe, et surtout de me sentir vivant. 

Tous les patients ne pratiquent pas le sport ou sont angoissés à l'idée de reprendre une activité physique post-opératoire.  Pour moi, la réussite pour inviter ces derniers à se "réactiver" trouve sa source dans la relation soignant/soigné. Ils doivent s'écouter et construire un référentiel commun pour se comprendre. Le soigné n'est pas seulement un tableau clinique. Le soignant doit l'écouter, le rassurer, l'aider et l'encourager, lui donner confiance. Le soigné pourra alors mieux se livrer et oser poser des questions. Ainsi le soignant pourra adapter son traitement, jusqu'à lui proposer, si besoin, une prescription médicale de séance de réadaptation à l'effort. 

L'enjeu est avant tout d'adapter la maladie à la vie du patient et non l'inverse. On constatera alors une amélioration de l’observance, de la qualité de vie, une reprise de confiance, une intégrité morale avec une plus rapide reprise d’une activité physique. » 

 


C’est à Rouen que se déroulent cette année les 29èmes Jeux Nationaux des Transplantés et Dialysés. Quelques 100 participants transplantés et dialysés sont attendus du 18 au 21 mai 2023 pour un week-end de rencontres, de disciplines sportives et de sensibilisation. Ces Jeux sont une occasion de promouvoir la réussite de la transplantation et la nécessité des dons d'organes, par l'image positive des transplantés et des dialysés pratiquant une activité physique et sportive.

RDV aussi à Perth en Australie pour les athlètes de 45 pays qui se réuniront pour la 24e compétition mondiale. Depuis 1978, les Jeux Mondiaux des Transplantés (World Transplant Games) sont organisés tous les deux ans, sous l’égide de la World Transplant Games Federation (WTGF). Leur but : sensibiliser le grand public à la réussite de la transplantation et à la nécessité du don d’organes, en mettant en avant les athlètes greffés.

En France, Trans-Forme, l’Association Fédérative Française des Sportifs Transplantés et Dialysés, est l’association française représentant la France au sein des instances mondiales (WTGF), et reconnue pour organiser la participation de l’équipe de France aux Jeux internationaux.

Ces Jeux réunissent plus de 2 000 athlètes transplantés, leurs familles et amis pour une semaine de célébration du plus beau don : le don de la vie (gift of life).

Les personnes transplantées depuis plus d’un an et dont la fonction du greffon est stable peuvent participer aux Jeux. Si aucune sélection sportive n’est exigée pour rejoindre l’équipe de France, les prérequis médicaux sont rigoureux. Deux certificats médicaux, un du médecin de transplantation, un du cardiologue, et une épreuve d’effort sont nécessaires aux transplantés pour participer comme compétiteurs. Il leur est également demandé d’être entraînés et de certifier de leur entraînement régulier.

 


Tout aussi importantes que la pratique d’une activité physique, l’alimentation et la diététique sont parfois difficiles à appréhender, notamment pour les jeunes soucieux de vivre sans limite ou frein. 

L’Association de Diététique et de Nutrition en Néphrologie (ADNN) forme des professionnels et accompagne le grand public (familles, proches, patients) en délivrant conseils pratiques et soutien nutritionnel. Stanislas Trolonge, son fondateur, répond à nos questions.

Vous avez créé une association pour éduquer à la nutrition. Depuis combien de temps ? Pourquoi ?

L 'ADNN (Association de Diététique et de Nutrition en Néphrologie) a été créée en 2020 en loi 1901, avec pour vocation de regrouper l'ensemble des diététicien(ne)s de néphrologie et néphrologues branchés "nutrition". A ce jour, elle comptabilise près de 220 adhérents. 

Le site internet de cette association a vu le jour en mai 2022. Il se compose d'une interface "grand public" proposant des articles, informations, supports à destination des patients et des soignants non diététiciens ou néphrologues. Une partie "professionnelle" centralise pour les diététiciens et néphrologues des contenus plus scientifiques, dont les agendas des évènements sur la nutrition notamment. 

Vous vous êtes spécialisé dans l’Éducation thérapeutique du patient dialysé. Quelles sont les caractéristiques de ce public/ ses difficultés ? y a-t-il des points de vigilance particuliers ?

Je suis spécialisé depuis 14 ans dans l'ETP, formateur également avec une expérience chez les patients dialysés mais également insuffisants rénaux chroniques et transplantés. Ma mission depuis 16 ans à la Maison du Rein, AURAD Aquitaine, est d'accompagner tous ces patients aux différents stades de la maladie rénale sur le point nutritionnel. Nous avons depuis constitué une équipe de 6 diététiciennes. 

La dialyse, notamment l'hémodialyse, nécessite un temps de traitement important, régulier et sans pause. Les patients doivent « digérer » ces temps de traitements, psychologiquement et physiquement, pour maintenir leurs activités du quotidien. 

Les adaptations alimentaires sont nombreuses : le « coût » énergétique de ces traitements nécessite des apports alimentaires suffisants en calories et protéines. Ces derniers diminuent malheureusement spontanément avec l'âge. 

La capacité des patients à uriner diminue au fil du temps. Cela demande une réduction progressive des consommations de boissons au quotidien pour ne pas fatiguer l'organisme lors des séances de dialyse lorsqu’il y a "trop d'eau" à enlever en très peu de temps ; 

Enfin, phosphore et potassium irrégulièrement éliminés tous les 2 jours, peuvent s'accumuler dans l’organisme et entraîner des complications : durcissement des vaisseaux sanguins, troubles du rythme cardiaque. 

Dans certains cas, l'alimentation peut jouer un rôle. Notre objectif de diététiciens est d'équilibrer leur alimentation, la rendre la plus qualitative tout en maintenant et adaptant leurs habitudes alimentaires et plaisirs de manger. 

Les adolescents transplantés ont-ils des problématiques spécifiques ? Besoin d’un suivi au long cours ? Y a-t-il des périodes de plus grande fragilité ? Quels conseils peut-on leur donner ?

Les adolescents sont comme tous les jeunes. Ils peuvent être attirés par une "junk food", des aliments ultra transformés riches en sel, additifs de phosphate, de potassium qui peuvent donc perturber leurs analyses de sang et état de santé. 

Qu’en pensent les diététiciens ? Sont-ils suffisamment formés ? De quels outils ont-ils besoin ?

Les diététiciens nutritionnistes, seuls spécialistes de la nutrition, sont formés en 2 ans. Dans cette formation initiale, la néphrologie n'est pas abordée suffisamment. Ainsi les diététiciens ont besoin de formation continue. C'est l'objectif de l'ADNN de participer au développement des compétences Pour une meilleure prise en charge des patients. Mon organisme de formation continue (EDUFORM) propose des formations à destination des diététicien(ne)s sur les maladies rénales et lithiasiques. 

Les services de diététique sont insuffisamment dotés de matériels nécessaires à notre pratique, notamment des logiciels de nutrition (pour mieux évaluer les apports des patients), des outils de mesure de la composition corporelle (pour évaluer et suivre les masses musculaire et grasse) sont indispensables pour un travail de qualité. 

Juliette Caillot-Vaslot

 

Dossier réalisé avec le soutien institutionnel de logo chiesi

N°61, Bouger manger