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Etat des lieux de la pratique des activités physiques et sportives chez les patients dialysés en Ile de France

“Ceux qui estiment ne pas avoir de temps pour l'exercice physique devront, tôt ou tard, trouver du temps pour la maladie.” Edward Stanley

Fruit d’un travail de coopération entre l’association Trans-Forme, les néphrologues, les médecins du sport et les médecins de santé publique, l’objectif de cette enquête était de réaliser un état des lieux de la pratique des activités physiques et sportives chez les patients dialysés en Ile de France, d’évaluer les connaissances et les attentes de ces patients concernant ces pratiques.

Les patients dialysés sont, à âge égal, significativement moins actifs que les sujets à fonction rénale normale et sédentaires. Ils présentent une baisse des capacités physiques notamment en lien avec une anémie, une faiblesse musculaire et une sarcopénie (perte de la masse musculaire). Cette sarcopénie est, elle-même, d’origine multifactorielle, secondaire à un état pro-inflammatoire chronique, à l’hypercatabolisme, l’acidose et la dénutrition. Sa prévalence parmi les insuffisants rénaux augmente avec l’âge, le degré d’insuffisance rénale et affecte jusqu’à 50% des hémodialysés.

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De nombreuses études cliniques ont démontré que la pratique régulière d’une activité physique chez les patients dialysés, apporte des bénéfices en termes de qualité de vie, de performances musculaires, de capacités fonctionnelles et de diminution de facteurs de comorbidités comme l’insulino-résistance, la rigidité artérielle ou l’hypertension artérielle.

Hélas, la pratique d’une activité physique est insuffisamment développée chez les patients dialysés.

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Il existe des freins bien identifiés à la pratique d’une activité physique (AP) chez les patients dialysés : La fatigue, le manque de souffle, l’absence d’envie, le manque de temps, le trop grand nombre de problèmes médicaux, la tristesse, le manque de motivation, le sentiment de ne pas être aidé constituent les principales barrières à la pratique d’une activité physique. Il a été montré également par une enquête que les médecins ne donnaient pas de conseils pour la pratique d’une activité physique à leurs patients, soit par manque de temps, par manque de connaissance, ou même par manque de conviction concernant les effets bénéfiques de l’AP.

Face à ce constat, nous avons émis l’hypothèse qu’il serait utile pour les néphrologues de mieux connaître le vécu des patients dialysés par rapport à l’activité physique : Au-delà des preuves scientifiques et des recommandations qui existent sur les bénéfices et les modalités de l’activité physique, ces informations pourraient permettre aux néphrologues d’adapter les protocoles d’activité physique aux patients dialysés.

L’objectif de ce travail porté par Trans-Forme, l’Institut de santé publique, des médecins néphrologues, cardiologue du sport et de santé publique, et soutenu par l’ARS Ile-de-France et France Rein fut d’évaluer - à partir d’un questionnaire anonyme - les connaissances, les modalités de pratique de l’activité physique et les attentes des patients dialysés.

Cette enquête fut menée de mai à décembre 2016 au sein des services de dialyse d’Ile-de-France. Les patients remplissaient le questionnaire de façon anonyme, soit directement en ligne sur un ordinateur, une tablette ou un téléphone portable, soit sur papier.

Les questions étaient regroupées en 5 principaux chapitres, intitulés « votre profil », « votre degré de sédentarité », « modalités de votre activité physique (sportive ou de loisir) », « conséquences de votre pratique d'activité physique » et « vos suggestions ».

- La première partie du questionnaire, « votre profil », permettait de recueillir les caractéristiques cliniques générales des patients ainsi que leurs modalités de dialyse.

- La seconde partie, « votre degré de sédentarité », permettait d’évaluer le niveau d’activité physique des patients par l’intermédiaire d’une adaptation du score de Dijon10.

- La troisième partie du questionnaire, « modalités de votre activité physique (sportive ou de loisir) » nous permettait de savoir qu’elle était l’AP pratiquée et dans quelles conditions.

- La quatrième partie, « conséquences de votre pratique d'activité physique », permettait aux patients d’évaluer les effets de l’AP et d’indiquer si l’AP avait entraîné des complications médicales.

- Les dernières questions, figurant dans le chapitre « vos suggestions » avaient pour but d’identifier les freins à la pratique d’une AP et de déterminer quels étaient les moyens, selon l’ensemble des patients, d’y remédier.

RÉSULTATS

642 patients dialysés ont répondu au questionnaire, soit environ 5 % des patients dialysés d’Ile-de-France.

DESCRIPTION DES PATIENTS

L’âge médian était de 62,5 ans, c’était principalement des hommes, l’hémodialyse était la technique la plus représentée à 92,2%. 51.9% des patients pratiquaient une activité physique avant la dialyse.

DEGRÉ DE SÉDENTARITÉ

10,1% des patients se considéraient comme très actifs ou de caractère sportif, 38% comme moyennement actifs, 32,5% comme peu actifs et 19,4% comme franchement sédentaires.

4,1% des répondants pratiquaient une activité physique de forte intensité, 25,1% une AP d’intensité modérée, 23,5% une activité physique de faible intensité et 47,3% ne pratiquaient aucune activité physique.

32,7% exerçaient une activité physique régulière, au moins une à deux fois par semaine tandis que 22,1% exerçaient de façon irrégulière.

La durée d’une séance d’activité physique était comprise entre 30 et 60 minutes pour 16,3% des patients et supérieure à une heure pour 15,5%.

MODALITÉ DE PRATIQUE DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE

La marche est l’activité physique la plus souvent citée, suivie par la natation. 87% des patients actifs ne bénéficiaient pas de conseil de spécialiste de l’activité physique et 57,6% n’informaient pas leur néphrologue de leur pratique d’activité physique. Les deux tiers des patients exerçant une activité physique ont déclaré ne faire aucun échauffement ni étirement. En dialyse péritonéale 60% des patients pratiquent « ventre plein » et 20% « ventre vide ». Parmi les hémodialysés, la pratique de l’activité physique avait lieu principalement les jours sans dialyse pour 89,1% d’entre eux.

A la question « pourquoi pratiquez-vous une activité physique ? », l’amélioration de leur santé était l’argument le plus fréquemment cité (45,7% des patients) suivi par le plaisir de pratiquer (39,5% des patients). Quelque 8,5% pratiquaient à la demande leur médecin.

Parmi les 235 patients déclarant ne pratiquer aucune activité physique, les raisons évoquées étaient la fatigue pour 54,2% d’entre eux et/ou un manque de temps pour 15,6% d’entre eux et/ou un manque d’intérêt pour 14,2% d’entre eux et/ou le caractère dangereux de l’activité physique pour 6,7% d’entre eux.

CONSÉQUENCES DE LA PRATIQUE D’UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE

71.1% des patients pratiquant une activité physique estimaient que cette pratique participait à l’amélioration de leur humeur et 79.6% estimaient que l’activité physique participait à l’amélioration de leur forme physique.

La pratique de l’activité physique n’entraînait pas de modification de leur appétit pour 56.8% d’entre eux ni de leur poids pour 52.7%. Quelque 43.7% des patients déclaraient boire davantage avec la pratique et surtout après la séance d’activité physique. En termes de tolérance à l’activité physique 9,1% des patients déclaraient avoir présenté des complications médicales dont 6 épisodes de chutes, 2 fractures, 3 déchirures musculaires, 2 entorses, 2 hypoglycémies et 2 accidents cardiaques.

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CONNAISSANCES ET SUGGESTIONS

Parmi les 588 patients ayant répondu à la question « la pratique d’une activité physique est-elle bénéfique pour la santé », 67,7% estimaient qu’elle était bénéfique, 27,4% n’avaient pas d’avis et 4,9% estimaient qu’elle était délétère.

Quelque 63,3% des patients répondaient favorablement à la question « recommanderiez-vous la pratique d’une activité physique aux patients dialysés » : Ils recommandaient la pratique d’une activité physique dans le but d’améliorer leur état de forme physique pour 71,7% d’entre eux et/ou de se sentir mieux psychologiquement pour 56,5% d’entre eux et/ou dans le but d’améliorer son état de santé pour 60,3%. Pour 30,2%, elle permettrait de créer un lien social en favorisant les rencontres ;

A la question « quelle(s) proposition(s) feriez-vous pour favoriser la pratique d’une activité physique chez les patients dialysés » 60,1% des patients répondaient vouloir être conseillés par des néphrologues et 30,6% aimeraient être conseillés par des professionnels de l’activité physique. Pour 31,4% des patients, l’ouverture de clubs de sport dédiés aux dialysés avec professionnels formés aux pathologies chroniques permettrait également de développer l’activité physique, et pour 28,9% la mise à disposition d’équipements au sein même des unités de dialyse en favoriserait la pratique. Quelque 24,9% souhaiteraient être conseillés par d’autres patients dialysés sportifs et 10,3% recommandaient la pratique d’une activité physique pendant les séances de dialyse.

A la question « à quel(s) moment(s) recommanderiez-vous la pratique d’une activité physique » 75,5% des patients hémodialysés préconisaient de la pratiquer les jours sans dialyse, 9,1% proposaient de la pratiquer avant la séance de dialyse, 4,1% après la séance et 4,1% pendant la séance. Enfin, 18,5% n’exprimaient pas de préférence par rapport à la séance de dialyse.

Les facteurs associés à la pratique d’une activité physique sont le sexe masculin, l’âge moyen, l’activité professionnelle, un antécédent de greffe rénale, l’absence de diabète, la pratique d’une activité physique antérieure à la dialyse.

POINTS FORTS À RETENIR

1- Les patients pratiquant une activité physique en dialyse sont plutôt jeunes (62 ans en moyenne) et plutôt des hommes. Mais surtout, près de 52% des patients pratiquaient une activité physique avant la dialyse.

2- Près de 47% des patients ayant répondu à cette enquête déclarent ne pratiquer aucune activité physique. Ou inversement plus de la moitié des patients pratiquent une activité physique alors qu’ils ne bénéficient d’aucune aide.

3- La marche est l’activité physique la plus souvent citée. Les patients pratiquent seuls une activité physique, le plus souvent sans conseil de spécialiste ni encadrement, et sans en informer leur néphrologue. L’activité physique est réalisée habituellement les jours sans dialyse.

Les motifs de pratique de l’activité physique sont l’amélioration de l’état de santé, par goût, à la demande leur médecin.

Les motifs de non pratique par les patients sont la fatigue, le manque de temps, le manque d’intérêt, le caractère dangereux de l’activité physique

4- La pratique d’une activité physique chez ces patients améliore l’humeur et la forme physique, et apparait sans danger.

5- Une grande majorité des patients recommandent la pratique d’une activité physique chez les patients dialysés (qu’ils pratiquent eux-mêmes ou non). Ceux-ci attendent surtout des conseils de leurs néphrologues et/ou des professionnels du sport et un encadrement spécialisé. Les patients préfèreraient pratiquer une activité physique les jours sans dialyse.

6- Les freins à la pratique d’une activité physiques sont liés au déconditionnement à l’effort (fatigue, essoufflement, faiblesse musculaire) et au manque de motivation.

7- Un des facteurs associés à la pratique d’une activité physique en dialyse est la pratique antérieure à la dialyse, témoignant de l’importance de la culture de l’activité physique.

CONCLUSION

Les patients dialysés qui pratiquent une activité physique sont principalement ceux qui en exerçaient une avant la dialyse. La pratique d’une activité physique est bénéfique sur le ressenti de l’état de santé et s’accompagne de très peu de complications chez les patients dialysés. En revanche, il existe une méconnaissance importante des patients concernant les modalités de la pratique d’une activité physique. Cette étude devrait faire prendre conscience aux néphrologues que les patients dialysés ont, pour la majorité d’entre eux, un avis favorable sur l’AP et sont demandeurs de conseils et d’encadrement par des professionnels de l’activité physique. L’activité physique est considérée aujourd’hui comme un traitement à part entière destiné à tous et adapté à chacun selon ses capacités. De la même manière que les diététiciennes ou les psychologues sont présents dans les centres de dialyse, il devrait exister des spécialistes de l’activité physique au sein des unités de dialyse.

REMERCIEMENTS

Nous remercions tous les néphrologues d’IDF qui ont participé à cette étude et particulièrement le docteur Charles Chazot, responsable médical du groupe Fresenius Medical Care qui a participé activement à la diffusion du questionnaire auprès de ses néphrologues et de leurs patients.

Retrouvez la synthèse des résultats de cette étude ici.

N°53, Dossier