Médecine personnalisée : en marche vers le « sur mesure » - Toujours plus de données à traiter
Toujours plus de données à traiter
Autre limite régulièrement rapportée : la question éthique. Quelles informations transmettre ? À qui ? À quel moment ? De quelle façon ? Les outils de la médecine personnalisée, en particulier les analyses génétiques, apportent leur lot d’informations fortuites – comprenez des informations non recherchées initialement, « non sollicitées » mais qui ont un impact sur le futur du patient (et/ou de son entourage).
« L’interprétation des données génétiques en vue de transmettre une information au patient peut s’avérer très délicate. La personnalisation de l’annonce est un exercice complexe. Il y a de nombreux paramètres à mettre en balance, la déontologie, l’éthique, la portée du résultat génétique, le profil du patient… » concède le généticien avant d’ajouter : « La nouvelle loi de bioéthique en préparation devrait très prochainement nous donner un cadre pour la transmission de l’information non sollicitée aux patients et nous guider dans les modalités pratiques. »
Il importe aussi de s’interroger sur les effets produits par la médecine personnalisée puisqu’elle pourrait conduire à une offre privée entre tests génétiques proposés sur Internet et autres thérapies innovantes non éprouvées. Cette offre s’est déjà largement développée aux États-Unis et progresse en Europe. Elle permet de recueillir, moyennant finance, des informations non validées (notamment génétiques) qui servent de base des prédictions de risque de développer certaines maladies à composante génétique.
À noter que l’absence de garantie de fiabilité des techniques utilisées engendre un accroissement des dangers pour les personnes. Quoi qu’il en soit, forte de l’engagement français dans le Plan médecine génomique 2025 avec la création prévue de 12 plateformes de séquençage génétique à très haut débit et le renforcement des collaborations publiques/privées, la médecine personnalisée apparaît, plus que jamais, comme une révolution de la pratique médicale. Il faut bien comprendre que pour être efficace et efficiente, la médecine personnalisée nécessite une masse considérable de données.
« Environ 4 millions de différences génétiques séparent deux individus lambda » informe le Pr Damien Sanlaville. « Le challenge, c’est de discriminer les différences qui sous-tendent la diversité de celles qui sont associées à des maladies. Pour cela, nous avons besoin d’un maximum d’informations sur les personnes malades, mais tout autant sur les personnes non malades » prévient le praticien.
Pour mettre en œuvre la médecine personnalisée, la constitution de grandes bases de données est indispensable. Leur analyse permettra de définir des indicateurs (notamment génétiques) prédictifs et in fine de favoriser une meilleure prise en soins. Bien entendu, cette collecte de données sensibles est soumise aux enjeux de leur sécurité, de leur protection (confidentialité, accès) et de leur bon usage… Une chose semble certaine : l’avenir du soin passera par la personnalisation de la prise en charge, pour des usagers mieux soignés et des professionnels de santé mieux équipés.
* Pour en savoir plus sur le DIU de médecine personnalisée co-coordonné par le Pr Sanlaville (généticien – CHU de Lyon)
Une date
2003 : depuis le premier séquençage complet d’un génome humain, l’analyse des maladies, en particulier le cancer, repose de manière de plus en plus précise sur la découverte de variations génétiques spécifiques.
Un chiffre
2 400 milliards de dollars d’ici 2020 : c’est la somme représentée par le marché mondial de la médecine personnalisée.