Skip to main content

REMARQUE ! Ce site utilise des cookies et autres technologies similaires.

Si vous ne changez pas les paramètres de votre navigateur, vous êtes d'accord. En savoir plus

J'ai compris

Le parcours post greffe - Après la greffe, surveiller sa peau : Interview du Dr Caroline Roudier-Pujol, dermatologue

Page 2 sur 2: Après la greffe, surveiller sa peau : Interview du Dr Caroline Roudier-Pujol, dermatologue

Y a- t-il un suivi dermatologique particulier à mettre en œuvre après la greffe ? 

En raison des traitements immunosuppresseurs utilisés pour éviter les rejets, les patients greffés d’organe réparent moins bien les mutations induites par les UV sur les cellules cutanées et ces mutations favorisent l’apparition de cancers. De plus, ces thérapies immunosuppressives favorisent aussi les co-infections virales (surtout HPV) dont certaines sont oncogènes. Un suivi dermatologique régulier est donc nécessaire après une greffe d’organe.

Le risque principal pour les patients greffés est donc de développer un cancer cutané. Et ce risque est très élevé quel que soit le type de greffe, puisque 50 à 70% des patients seront concernés.

Les cancers cutanés les plus fréquents chez les greffés sont les carcinomes épidermoïdes qui sont plus agressifs que dans la population générale avec un taux de métastases et de récidives locales de l’ordre de 8 à 12%. Ils sont souvent multiples et associés à des lésions précancéreuses comme les kératoses actiniques. Ils se manifestent par des lésions rosées hyperkératosiques (c’est à dire recouvertes de corne), souvent douloureuses au toucher et d’évolution parfois rapide, en quelques semaines. Ils siègent préférentiellement sur les zones photo-exposées (visage, mains, avant-bras, jambes).

On observe aussi une augmentation de l’incidence des autres cancers cutanés (carcinomes basocellulaires et mélanomes (risque relatif multiplié par 4,5 par rapport à la population générale) et plus rarement carcinomes de Merkel et lymphomes).

La maladie de Kaposi (prolifération de cellules d’origine vasculaire associée à une co-infection virale HHV8) est plus rare mais son incidence est accrue chez les greffés. Elle est surtout observée dans les populations du bassin méditerranéen, d’Afrique et d’Italie du Sud. Elle se manifeste par l’apparition de nodules violacés sur la peau associé ou non à un lymphœdème (œdème des jambes). 

Enfin, les personnes greffées sont sujettes à des complications cutanées infectieuses : infections à HPV (Human Papillomavirus) dont certains sont oncogènes : verrues, condylomes qui sont souvent difficile à traiter ; infections au virus herpès ; infections opportunistes tes que les bactéries, champignons, mycobactéries atypiques.

Comment la dermatologie prend-elle sa place dans l'accompagnement pluridisciplinaire ?

Le patient doit être sensibilisé au risque cutané par le médecin spécialisé qui le suit en phase post greffe (néphrologue, hépatologue, cardiologue...) et orienté vers un dermatologue. 

Les dermatologues libéraux sont généralement en première ligne en matière de dépistage des cancers et assurent la surveillance. En cas de cancer à risque de complications, les patients sont orientés en RCP et pris en charge par des équipes d’onco-dermatologie. 

Les dermatologues jouent aussi un rôle important pour rappeler l’importance de la photo protection : éviter si possible toute exposition solaire active et passive, privilégier la protection vestimentaire et l’utilisation systématique d’une crème solaire efficace sur les parties découvertes dès le matin. 

La pénurie actuelle de dermatologues libéraux est un problème majeur. Ils ont de plus en plus de difficultés à assumer la demande en matière de dépistage des cancers cutanés (dont l’incidence explose dans la population générale) et doivent privilégier le suivi des patients à haut risque dont font partie la plupart des personnes greffées d’organe.

C’est pourquoi l’éducation à l’auto surveillance est aussi très importante quand elle est réalisable. Elle consiste à demander au patient de réaliser un examen complet de sa peau tous les 3 mois à l’aide d’un miroir et éventuellement de photos (dos) et de consulter en cas de lésions suspectes : lésion crouteuse hyperkératosique surtout si douloureuse ou épaisse, lésion qui saigne ou ne cicatrise pas, tâche pigmentée, nodule violacé, etc.

Certaines personnes sont-elles plus à risque de développer des pathologies cutanées ?

Les facteurs de risque pour un patient greffé d’organe de développer un carcinome épidermoïde sont :

  • un phototype clair 
  • un âge avancé lors de la greffe
  • des expositions UV importantes dans le passé (coups de soleil, séjours prolongés ou voyages réguliers dans des pays ensoleillés, UV en cabine, puvathérapie, sports nautiques etc.)
  • la durée et le type d’immunosuppression : après un premier carcinome, le passage d’un anticalneurine (ciclosporine, azathioprine) à un inhibiteur de mTor (sirolimus, evérolimus) peut être discuté en équipe pluridisciplinaire
  • antécédents de kératoses actiniques ou de carcinomes épidermoïdes avant la greffe
  • co-infection HPV

Concernant le mélanome, les facteurs de risque sont un phototype clair, des antécédents d’expositions UV importantes surtout enfant, de nombreux naevus, des antécédents familiaux de mélanome, Kc pancreas ou Kc du rein.

Juliette Viatte

 Dossier réalisé avec le soutien institutionnel de Chiesi Logo 1.Primary

N°59, parcours post greffe